DANS L’INCERTITUDE, SAVONS-NOUS ENCORE FAIRE CONFIANCE ?

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Résumé. Pour faire face à l’incertitude, nous pouvons tenter de tout contrôler mais le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus complexe. La confiance est un état où nous pouvons décider par nous même, donner de la hauteur à nos actions et donc être vivants.

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Abolition de l’incertitude

Toute notre civilisation moderne semble tendre vers l’abolition de l’incertitude, écarter les risques avec méthode et prudence. Pourquoi dès lors aurions-nous encore besoin de la confiance ?


Le climat de confiance est comme l’air qu’on respire.

On prend conscience de son existence

le jour où il vient à manquer

(Annette Baker, philosophe)


Un virus nous a mis à genoux et nous voilà obligés de faire confiance à des virologues, des politiques, à nos semblables.

La crise attise la perte de confiance et la perte de confiance attise la crise. Un cercle vicieux s’enclenche, et le seul et unique moyen de le briser consiste à refaire confiance.

Mais voilà, la confiance ne se décrète pas, ne se contrôle pas non plus.

Donner, recevoir, se sentir en sécurité : c’est l’origine de la confiance, c’est ainsi que nous la développons. C’est la première chose que nous apprenons à la naissance.


La confiance dans un monde complexe

Il arrive que la confiance soit rompue. Il faut alors soigner cette rupture de confiance car nous sommes dépendants les uns des autres. Les animaux se font des câlins, mais le groupe d’hommes dont nous sommes dépendants au quotidien est si vaste qu’on ne peut pas les câliner tous en vue d’entretenir entre nous un climat de confiance.


Nous avons rendu la planète plus complexe et plus vulnérable. Et pourtant nous continuons d’appuyer sur l’accélérateur. Ce faisant, nous agrandissons constamment l’espace que notre confiance doit couvrir.


La confiance est « un mécanisme de réduction

de la complexité sociale »


Mériter la confiance

Mériter la confiance de l’autre veut également dire aller au-devant de l’incertitude et faire ce qu’il faut pour être à la hauteur. Elle apparaît pour ainsi dire a posteriori.

Lorsque l’on parle de confiance en soi, presque toujours, il s’agit de savoir ce que la confiance est censée accomplir et comment la restaurer, moins souvent de savoir pourquoi elle fait défaut.


« Tout le monde veut de la confiance.

Mais personne ne veut faire confiance »

Martin Hartmann


Climat de peur et d’insécurité

Si nous voyons l’incertitude comme une source de dysfonctionnements, de dangers, d’erreurs, nous cherchons continuellement à la tenir en respect. Or nous savons que ce n’est pas possible. Et cela nous rend vulnérables, d’autant plus face à la propagation du sentiment de peur et d’insécurité quand certains médias font leur miel des psychoses de la civilisation moderne.


Et dans ce cas, vers qui se tourner ? Beaucoup de gens cherchent de l’aide vers quelque chose qui les dépasse. S’en remettre aux autres, au monde, à la vie... faire confiance... implique de décider.


Décider ne veut pas dire savoir avant d’agir.

Décider veut dire agir avant de savoir.


Le doute

Fuir l’incertitude serait une erreur. Lorsqu’un problème est complexe ou inédit, douter nous pousse à ne pas nous prononcer trop vite, à remettre en cause notre analyse initiale, souvent erronée, et à chercher une meilleure solution. Parfois au risque de paraître paralysé ou incompétent. Douter nous indique qu’il y a danger et nous pousse à enquêter sur ce qui est différent. Le doute permet d’envisager un plus grand éventail de mesures avec curiosité et flexibilité et d‘éviter les raisonnements rigides dans le désir d’une vie nette et prévisible.


La réalité n’est pas binaire.


Une gestion habile de l’incertitude met sur la voie non seulement de la pensée critique, mais aussi du bien-être mental, la crainte de l’inconnu étant une des grandes causes des troubles mentaux.


Les nouvelles technologies laissent penser que « savoir » est rapide et téléchargeable sans laisser place au doute individuel pourtant essentiel au compromis.


Le ressenti

En fin de compte, on aura beau chercher toutes les informations qui pourraient nous aider à affronter la peur, il n’existe aucune garantie jusqu’à ce que nous nous jetions à l’eau. C’est peut-être la raison pour laquelle tant de gens repoussent la décision le plus tard possible. Et pourquoi ne pas écouter notre intelligence et nos sensations et prendre conscience que le pouvoir dont nous disposons est plus étendu que nous le pensons ?


L’incertitude est au bout du compte le seul état où nous pouvons nous épanouir et ressentir. Et donc être vivant.


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Références

  • Marcus Jauer. Publié le 27 mai 2021. Source « Die Zeit ». Courrier international n° 1549

  • Maggie Jackson. Publié le 17 janvier 2021. Source « The Boston Globe ». Courrier international n°1586

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